Chez les jeunes la santé mentale décline et le nombre de jeunes concernés augmente fortement. Le monde subit des bouleversements qui créent des angoisses et de l’anxiété chez tout un chacun. Les jeunes, étant des éponges, ils absorbent toutes ces émotions négatives. Le secteur de la jeunesse peut avoir un rôle à jouer parmi d’autres acteurs pour venir en aide à cette jeunesse fragilisée.
On en entend de plus en plus parler, le tabou se lève peu à peu, les jeunes vont mal, leur santé mentale n’est pas au beau fixe. Le sujet de la santé mentale des jeunes est au cœur des préoccupations dans le secteur de la jeunesse. Les professionnels de l’animation se retrouvent parfois démunis face à des problématiques de jeunes qui ne vont pas bien et qui se confient à eux sur leur mal-être. Les ressources sur la façon de gérer des problèmes de santé mentale manquent, car c’est un sujet complexe et multifactoriel.
Cette santé mentale déclinante des jeunes n’est pas qu’une conséquence de la crise d’adolescence, même si celle-ci influence également le psychique des jeunes au vu de tous les changements hormonaux subis durant cette période. Des facteurs externes influencent également l’anxiété actuelle des jeunes. Tout d’abord, la pandémie de COVID-19 et le confinement ont eu un énorme impact, car les jeunes ont été isolés et ont vécu dans une situation de stress permanent. De plus, dans le contexte économique d’inflation qui existe aujourd’hui, les jeunes qui étaient déjà précarisés le sont d’autant plus et ceux qui ne l’étaient pas se retrouvent face à des difficultés financières inédites. Le contexte mondial également, avec les guerres, le changement climatique et la montée de l’extrême droite inquiète les jeunes et participe à leur désenchantement du monde. Les jeunes ont du mal à se projeter dans un avenir qui devient de plus en plus incertain. Dans ce climat anxiogène, les jeunes se sentent impuissants, ils ne peuvent pas gérer leurs angoisses par l’action, l’intériorisent et cela impacte leur santé mentale.
Sur les réseaux sociaux, notamment, la parole se libère au fur et à mesure sur l’importance de prendre soin de sa santé mentale autant que de sa santé physique. C’est aussi sur ces plateformes que les jeunes expriment parfois leur mal-être de manière directe ou parfois plus subtile.
Malgré cela, le problème pour ces jeunes en détresse c’est la difficulté d’exprimer à des adultes, capables de les aider, cette situation d’angoisse permanente. La difficulté s’explique par la peur de ne pas être pris au sérieux sur le sujet et la peur de déranger en exprimant ses problèmes, d’être un poids pour ses proches. Du côté de l’entourage du jeune, la difficulté est de remarquer qu’il ne va pas bien quand il ne le dit pas.
LES SIGNES QUI NE TROMPENT PAS
Une mauvaise santé mentale se manifeste par huit symptômes : des difficultés à dormir, de la nervosité, de l’irritabilité, le fait d’être déprimé, des maux de dos et/ou tête et/ou de ventre et des vertiges.
Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons explique un signe qui permet de sentir que l’on ne va pas bien. Il dit que si notre anxiété est invasive et que l’on n’est plus en mesure de se divertir de cette anxiété et qu’elle prend le corps en otage, c’est qu’il y a un problème de santé mentale.
Selon les dernières estimations de l’UNICEF de 2022, plus de 16,3% des jeunes belges âgés de 10 à 19 ans sont diagnostiqués avec un trouble mental. Mais dans ce nombre ne sont recensés que les jeunes diagnostiqués, on peut donc imaginer que la réalité est beaucoup plus importante. Selon un sondage de Latitude Jeunes mené auprès des jeunes francophones de 18 à 25 ans en 2023, 41% des jeunes sont souvent ou très souvent anxieux·ses, angoissé·e·s, voire en dépression, tandis que ce chiffre est de 33% pour la population belge. Les enquêtes HBSC «Comportements, bien-être et santé des élèves» réalisées tous les quatre ans par le Sipes-ULB mettent en évidence que la santé mentale se détériore avec l’âge et que les filles et les personnes de milieux défavorisés sont plus soumises à des problèmes de santé mentale.
Avec cette santé mentale chancelante, de plus en plus de jeunes songent au suicide ou passent à l’acte. C’est devenu la principale cause de mortalité chez les jeunes, cela représente un décès sur quatre des 15 à 24 ans. Les principales causes des idées suicidaires sont le harcèlement, les problèmes familiaux, l’anxiété et l’angoisse. L’angoisse se développe chez les jeunes, par exemple, à cause de la pression familiale d’avoir de bons résultats scolaires. Ensuite, le fait de travailler pour payer ses études, par exemple, augmente l’anxiété du jeune concerné.
Ce constat montre l’importance de faire de la santé mentale des jeunes, une priorité. C’est une crise qui doit encourager à la recherche de solutions.
LE RÔLE DU SECTEUR JEUNESSE
Le secteur jeunesse a un rôle à jouer dans cette crise. En plus des organisations de jeunesse et centres de jeunes, les AMO, les centres PMS, les services de santé mentale, les psychologues conventionnés sont des ressources pour les jeunes. Encore faut-il que ces ressources soient connues par les jeunes et qu’ils parviennent à y faire appel.
Coralie Herry, Coordinatrice pédagogique chez Arc-en-Ciel, cite les différents moyens d’action du secteur jeunesse pour aider ces jeunes. Tout d’abord, le secteur jeunesse a cette capacité d’orientation. Les professionnels de la jeunesse peuvent aider les jeunes qui en ont besoin en les redirigeant vers les professionnels adaptés à la problématique du jeune.
Ensuite, les associations de jeunesse permettent au jeune d’avoir un lieu où il n’y a pas d’objectifs de résultat, contrairement à l’école, par exemple, donc un lieu avec moins de pression sur les épaules où un droit à l’erreur est présent. En effet, dans ce cas, cette erreur n’aura pas de conséquences sur leur avenir, contrairement à d’autres secteurs de la vie où l’erreur n’est pas permise. Cela permet aux jeunes d’avoir un endroit de lâcher-prise et cela crée un contexte favorable à un lien de confiance pour qu’il puisse s’exprimer plus facilement. Dans le secteur de la jeunesse également, on laisse un choix, c’est une participation volontaire des jeunes contrairement à l’obligation scolaire. Coralie Herry, lors des séjours et lors des formations d’animateurs, organise des cercles de paroles qui permettent de libérer la parole.
De plus, chez Arc-en-Ciel et dans les organisations de jeunesse en général, l’accueil de tous prime. Tous types de profil sont les bienvenus, même les plus fragiles et cela leur permet d’accéder à cet espace de confiance.
EXPRIMER SON MAL-ÊTRE
Il y a différentes manières d’exprimer son mal-être pour les jeunes et cela ne passe pas toujours par les mots. Favoriser d’autres formes d’expression permet aux jeunes d’exprimer leur mal-être plus facilement et de manière plus ludique. Les jeux et l’expression artistique sont des pistes de méthodes plus accessibles pour les enfants et les jeunes. « Faire du sport, pleurer, écouter de la musique ou exprimer des émotions à travers l’art permet souvent aux adolescents d’atteindre un soulagement émotionnel. Dr. Lisa Damour, Psychologue, autrice et maman de deux enfants. »
Les associations de jeunesse organisent des activités qui peuvent aider le jeune à s’exprimer autrement que par les mots sur son niveau de bien-être. Il faut rester attentifs et comprendre le sens caché de certains comportements ou actions des jeunes car ils peuvent traduire un mal-être qu’ils parviennent à exprimer durant ces activités.
RECONNEXION CAP INCLUSION
Au sein de la Coordination-CRH, à l’occasion d’un appel à projets de la fondation Roi Baudouin « UCB Community Health Fund » qui avait comme objectif de financer des projets abordant la santé mentale, Reconnexion Cap Inclusion a été lancé. Ce projet a comme objectif d’aider les centres membres à organiser des rencontres et des séjours afin de sortir les jeunes de leur solitude et de l’isolement. Le public du projet est des jeunes de 15 à 24 ans des zones rurales wallonnes, zone d’action des centres membres de la Coordination-CRH, porteurs de handicap mental ou pas. Le but étant de créer un groupe solide, diversifié et inclusif et de casser les stéréotypes sur le handicap mental en connaissant mieux les autres par le partage d’expérience et l’éducation active par les pairs.
Les membres participants organisent donc des rencontres entre les jeunes déjà présents et investis dans leur centre et des jeunes d’une organisation, porteurs de handicaps physique et/ou mental. Ces rencontres permettent de créer une ouverture d’esprit inclusive chez les jeunes. Ce projet a comme toile de fond, la santé mentale des jeunes, c’est donc un sujet qui est abordé lors de ces rencontres pour permettre de libérer la parole sur le sujet et se rendre compte que n’importe quel jeune dans n’importe quelle situation peut avoir des problèmes à ce niveau.
Les personnes porteuses d’un handicap mental peuvent aussi développer des problèmes de santé mentale. Quand c’est le cas, on parle de double diagnostic. Ces personnes sont d’ailleurs plus enclines à développer un problème de santé mentale. « Par “double diagnostic”, on entend l’accumulation d’un handicap mental et d’une maladie mentale. Le concept est apparu à la fin des années 80 dans le jargon médical pour qualifier la présence d’éventuels troubles psychiatriques qui s’ajoutent à la déficience mentale. Si le nombre de patients concernés par ce double diagnostic n’est pas précis, un tiers des handicapés mentaux seraient concernés, soit environ 50.000 personnes en Belgique. » explique Manon Legrand, journaliste, dans un article pour le Guide social. Par exemple, une personne ayant le syndrome de Down peut également souffrir de bipolarité.
Le projet Cap Inclusion permet de mettre en évidence que chacun peu importe sa situation peut être atteint de problème de santé mentale, que l’on soit une personne à besoins spécifiques ou non.
MÉCONNAISSANCE DES SOLUTIONS
Cependant, un problème qui ne permet pas d’aider tous les jeunes qui en ont besoin c’est la méconnaissance par les jeunes de ce genre de projet qui pourrait les aider à sortir la tête de l’eau et la méconnaissance des lieux où ils peuvent obtenir de l’aide de manière simple, gratuite et sans jugement.
Il y a une nécessité de faire connaitre ces alternatives et organisations au plus grand nombre de jeunes possible pour qu’ils puissent tous trouver une aide adaptée.
Malheureusement, le second problème est que les endroits de prise en charge sont surchargés et certains jeunes se retrouvent sans ressources même quand ils tentent de trouver des solutions.
Un changement au niveau politique est urgent pour permettre plus de prise en charge de ces jeunes en difficulté. Durant la législature précédente, les soins chez les psychologues sont devenus plus accessibles, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant pour répondre à l’énorme demande. La problématique doit devenir une priorité politique.