Les jeunes s’engagent autrement : un défi pour les associations

Les jeunes s’engagent autrement : un défi pour les associations

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L’engagement des jeunes d’aujourd’hui diffère de celui des générations précédentes. Plus individuel, plus ancré dans les réalités quotidiennes et fortement influencé par les réseaux sociaux, il se décline autour de causes qui les touchent directement, comme le climat, l’environnement ou la justice sociale. Pourtant, cette évolution vers des formes d’action moins visibles et moins institutionnalisées soulève des défis pour les organisations, comme les Centres de Rencontre et d’Hébergement (CRH), qui peinent parfois à mobiliser ce public. Cet article explore les spécificités de l’engagement des jeunes et propose des pistes pour s’adapter à leurs attentes tout en valorisant leurs initiatives.

La jeunesse est un public en constante évolution auquel le secteur doit s’adapter en fonction des changements de mentalités et des manières de fonctionner des différentes générations. En effet, « les jeunes » ne sont pas les mêmes que leurs prédécesseurs au même âge, chaque génération a ses spécificités. En ce qui concerne l’engagement des jeunes dans la société, de nouveau, il n’est pas le même en fonction de la génération.

Dans leur rapport annuel, « Facile d’être jeunes en 2023 ? », le Forum des Jeunes met en évidence qu’« encore trop souvent, les jeunes manquent de confiance et se sentent illégitimes face aux adultes qui leur reprochent un manque d’expérience et décrédibilisent leur engagement. » Certains vont jusqu’à dire que les jeunes actuels ne s’engagent plus. La vérité c’est que « De plus en plus, les jeunes prennent conscience de leur place dans le monde de demain et s’engagent pour faire changer les choses. » Ce phénomène, souvent décrit comme un manque d’engagement chez la jeune génération, est en réalité une forme d’engagement différente et axée sur des thèmes distincts de ceux des générations passées. 

DE NOUVELLES MANIÈRES DE S’ENGAGER

Aujourd’hui, l’engagement des jeunes est plus individuel. Ils défendent ce qui les touche plus personnellement. Leurs revendications sont très diverses car « elles ne trouvent pas leur origine dans de grandes mais bien sur leur vécu. L’engagement est par conséquent une voie de formation identitaire. Clarisse Watine, Directrice de l’Information et Directrice des Publications chez Monde des Grandes Ecoles et Universités explique : « aujourd’hui, l’engagement des jeunes Français est plus individuel, ponctuel et ciblé autour de causes bien identifiées. », constatation qui peut être élargie aux jeunes belges.

Dans cette posture plus individuelle, les jeunes s’engagent à travers leurs modes de vie. Jérôme Fourquet, directeur du pôle « opinion et stratégies d’entreprise » de l’IFOP explique dans une interview de Fondation de France que « Les jeunes s’engagent avant tout en tant que consommateurs, usagers, citoyens. » En effet, les jeunes qui veulent s’impliquer pour changer les choses font appel à des actions « plus individuelles et autonomes ».

Leur engagement est omniprésent dans tous les aspects de leur vie quotidienne, chaque instant et chaque lieu étant propice à l’engagement. Leurs actions quotidiennes reflètent leur engagement. Notamment au niveau professionnel, les jeunes ont besoin de mettre du sens dans leur travail et que celui-ci soit en adéquation avec leurs valeurs. « Les jeunes privilégient un engagement au quotidien, dans leur mode de consommation ou dans le cadre professionnel. » explique Jérôme Fourquet.

Les jeunes utilisent donc des voies plus informelles pour s’engager, qui leur semblent « plus ouvertes, plus inclusives, plus réactives et ils délaissent les voies classiques » explique Nathalie Massart sur La Première. Enabel, l’agence belge de développement, identifie 5 formes d’engagement : faire des choix de vie conscients, faire porter sa voix, se lancer dans des initiatives ou des actions personnelles, s’impliquer dans une organisation et être membre d’une organisation.9 Les jeunes utilisent ces 5 formes à différentes fréquences, pour différents sujets et à différents moments.

DES THÉMATIQUES DIFFÉRENTES

Les sujets pour lesquels les jeunes s’engagent ne sont pas les mêmes que pour les générations précédentes. Aujourd’hui, « les combats qui leur tiennent à cœur sont le climat, l’environnement, la migration, l’accès à l’emploi, la diversité. Un constat qu’on ne peut cependant généraliser à l’ensemble de la Génération Z. Car inégalités et opportunités en termes d’engagement se superposent aux inégalités sociales, imposant de fait un rapport au politique à deux vitesses. » explique Nathalie Massart. Le sujet de prédilection de la génération actuelle est l’environnement. Afin de s’engager pour cette cause, ils adoptent un mode de vie bas carbone ou, en tout cas, ils limitent leur empreinte de manière individuelle et autonome. Leur engagement se base sur le principe que chacun doit faire sa part pour contrer le dérèglement climatique. « De façon très marquée, c’est pour l’environnement que les 18-25 ans sont prêts à s’engager. 9 jeunes sur 10 s’avouent inquiets à l’égard du dérèglement climatique et 38 % même très inquiets. » soulèvent Jérôme Fourquet.

À la Coordination-CRH, nous avons voulu montrer que les jeunes s’engagent à travers les projets citoyens de nos CRH. Pour cela, nous avons lancé le projet Proj’acteurs. Nous avons ainsi produit 16 vidéos qui sont des témoignages de jeunes actifs dans nos CRH membres. Ces jeunes sont bénévoles, animateurs ou participants et chacun à leur manière s’engage dans des projets ayant des objectifs CRACS. Ces projets, pour intéresser les jeunes qui y participent, doivent nécessairement aborder une thématique attrayante pour les jeunes et en accord avec leurs valeurs. Les projets sur l’environnement ont par conséquent le vent en poupe.

Nous remarquons tout de même que nos membres ont parfois du mal à avoir des jeunes qui s’engagent dans leurs projets. Cela s’explique par le fait qu’ils s’engagent de manière plus individuelle et moins en groupe ou en s’impliquant dans une organisation. Les jeunes s’engagent individuellement, donc de manière moins visible et sont moins impliqués dans les projets organisés par les CRH.

UNE QUESTION DE GÉNÉRATION

Les formes que prend l’engagement des jeunes sont, comme mentionné ci-dessus, influencés par la génération. En ce moment, les jeunes actuels font partie de la génération Z qui regroupe les jeunes nés entre 1997 et 2012. Cette génération a grandi avec la globalisation d’Internet et le début des réseaux sociaux, Facebook a été fondé en 2004. Les réseaux sociaux sont donc un outil que la génération Z utilise quotidiennement et de manière habituelle. 

L’engagement des jeunes est donc fortement influencé par ces réseaux sociaux. Ceux-ci permettent de diffuser des informations facilement et à un large public. L’organisation d’actions, également, se fait plus rapidement qu’avant et à plus grande échelle. C’est ainsi qu’on peut expliquer, par exemple, l’organisation simultanée de manifestations pour le climat, comme Friday for Future, dans différents pays. Ces plateformes sont aussi utilisées pour sensibiliser un public très large et dénoncer les injustices avec des hashtags comme #BlackLivesMatter ou #MeToo.

La jeunesse actuelle est plus interconnectée grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Cela leur permet de s’informer sur des enjeux mondiaux et de se sentir concernés par des luttes mondiales et plus seulement locales, comme les générations précédentes. La crise climatique, les migrations, et la justice raciale sont des causes mondiales et sont celles qui sont défendues par les jeunes actuels. L’accès à l’énorme quantité d’information a également un impact sur l’engagement des jeunes. Cet accès facile à l’information permet aux jeunes de s’informer sur le sujet et de créer sa propre opinion. Sur internet, il y a également des fake news et des influenceurs qui ont un impact sur l’opinion qu’ils se forgent.

LES JEUNES S’ENGAGENT EFFECTIVEMENT

Les jeunes s’engagent, c’est indéniable, mais ils le font de façon différente qu’avant. Cependant, s’engager en s’impliquant dans une organisation ou en étant membre de cette organisation n’est plus la forme d’engagement prioritaire dans leurs comportements. L’engagement est plus personnel et se fait via les autres formes d’engagement, pour rappel, faire des choix de vie conscients, faire porter sa voix, se lancer dans des initiatives ou des actions personnelles.

En somme, l’engagement des jeunes est une réalité incontestable, bien qu’il ait évolué vers des formes plus individuelles et diversifiées, reflétant les spécificités de la génération Z. Face à un monde en perpétuelle mutation et à des défis globaux comme le climat, les migrations ou la justice sociale, les jeunes adoptent des comportements engagés au quotidien, dans leurs choix de vie, leur consommation ou leur manière de s’informer.

Toutefois, cet engagement, souvent moins visible et institutionnalisé que celui des générations précédentes, interpelle les structures comme les CRH, qui doivent ajuster leurs approches pour rester en phase avec cette nouvelle dynamique. Les outils numériques et les réseaux sociaux ouvrent des opportunités inédites pour mobiliser les jeunes, mais demandent aussi une adaptation constante des méthodes de travail et de communication.

Ainsi, l’enjeu pour le secteur jeunesse et les associations comme les CRH sera de s’appuyer sur cette volonté d’agir autrement et de proposer des projets alignés avec les préoccupations actuelles des jeunes, tout en valorisant leurs initiatives et leur créativité. L’avenir de l’engagement se dessine à travers cette complémentarité entre autonomie individuelle et actions collectives renouvelées.

« Le défi pour le monde associatif sera de proposer de nouvelles formes d’action qui soient en phase avec cette appétence de s’engager autrement, de manière plus globale et moins cloisonnée. » explique Jérôme Fourquet. Les associations doivent en effet prendre en compte ces changements s’ils veulent continuer à mobiliser des jeunes autour de leurs causes.