La mise en place de plafonds pour l’organisation de séjours scolaires préoccupe les professionnels du secteur. Ils s’inquiètent que les enfants ne puissent plus avoir accès à un réel dépaysement primordial dans leur développement. Les plafonds sont déjà d’application en maternelle, en primaire la décision n’a pas encore été prise.
Afin de mettre en place la gratuité scolaire de manière effective, un plafond a été instauré pour les voyages scolaires des maternelles. Cette année, les plafonds devaient être actifs les deux premières années du primaire mais il n’y a pas encore d’accord sur ceux-ci.
C’est le 14 mars 2019 que le Décret sur la gratuité scolaire voit le jour, il fait suite au Pacte d’excellence. Dans la théorie, l’école est gratuite mais dans les faits, il reste des coûts qui sont supportés par les parents. Par exemple, le matériel scolaire, les entrées à la piscine, les voyages scolaires sont des frais qui incombent encore aux parents. Pour limiter ces frais et dans un objectif de se rapprocher de la gratuité scolaire de fait, le gouvernement a décidé de mettre des mesures en place. En effet, depuis 2020 en maternelle, le matériel scolaire est fourni par l’école. Depuis la rentrée 2023, c’est le cas également pour les premières et les deuxièmes primaires. L’objectif à terme est que tous les élèves de tous les niveaux ne doivent plus apporter leur propre matériel scolaire.
Une autre décision a été prise, la mise en place de plafonds, c’est-à-dire des montants maximums, qui peuvent être demandés aux parents pour l’organisation de séjours scolaires. Ces montants s’élèvent à 109,38 euros pour l’ensemble des séjours d’un élève durant son cursus de maternelle. Comme pour le matériel scolaire, la mise en place de ces plafonds se réalise par niveau. Cette année, à la rentrée, les plafonds pour les séjours durant la première et la deuxième primaire devaient être connus et appliqués, mais il n’y a pas encore eu d’accord sur ces montants.
Fin 2022, 18 organisations (associations de parents, syndicats d’enseignants, acteurs de la lutte contre la pauvreté, etc.) demandaient au Gouvernement de fixer les plafonds à 350 euros pour les six années de primaire et à 550 euros pour celles du secondaire.
Un impact déjà ressenti dans les centres
Malgré la mise place des plafonds seulement au niveau maternel, sur le terrain, les professionnels du secteur des séjours remarquent déjà une diminution des réservations des groupes scolaires et de la durée de leurs séjours. Ils s’inquiètent que les enfants ne puissent plus avoir accès à un réel dépaysement primordial dans leur développement individuel et collectif.
Les travailleurs du secteur rapportent également que les écoles, même pour le niveau primaire, n’osent pas réserver par peur de fauter. Les écoles ont une vision très floue au niveau des plafonds qu’ils ont à respecter pour l’organisation de ces séjours.
De plus, les montants définis pour les séjours englobent le trajet et le lieu d’accueil. Le trajet prend une part importante du budget ce qui ne laisse pas beaucoup de marge pour les lieux de séjours. Cela entraine une diminution du temps sur place et un dépaysement très partiel des enfants. Lors de séjours plus courts, les centres et les animateur·rices n’ont pas le temps de développer un vrai projet pédagogique et une plus-value intéressante qu’ils apportent habituellement.
Les revendications
Le principe de gratuité scolaire inscrit dans le Pacte d’excellence a donc un réel impact sur la possibilité des enfants de partir en classes vertes. Une décision non concertée sur les plafonds pour les séjours scolaires compromet par conséquent le principe d’équité et d’accessibilité pour tous, affectant ainsi le bien-être des enfants.
En effet, ces plafonds, déjà appliqués en maternelle, n’ont pas été déterminés en concertation avec tous les membres du secteur qui organisent ces séjours. Mis à part les centres Adeps et les centres de dépaysement et de plein air de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le secteur n’a pas pu participer à la discussion, malgré les appels réguliers de celui-ci.
Comme acteurs incontournables du secteur, les Centres de Rencontres et d’Hébergement (CRH) jouent un rôle crucial dans l’éducation et le développement des enfants. Ils offrent des séjours pédagogiques enrichissants, favorisant la découverte du patrimoine culturel, social et naturel, tout en promouvant la citoyenneté active, critique et solidaire. Ces centres sont des lieux de vie collective où les enfants développent des compétences sociales et de communication, complétant ainsi leur éducation scolaire.
La Coordination-CRH, fédération des CRH, a toujours montré sa volonté de travailler conjointement sur le sujet avec le gouvernement.
Dans ce contexte, une rencontre avec la ministre de l’Éducation, Madame Désir et la fédération a eu lieu le lundi 27 novembre dernier. Cette rencontre visait à mettre en place une méthodologie concertée pour fixer les plafonds, les montants payés par les familles. La Coordination-CRH insiste sur l’importance d’une décision prise en collaboration avec les opérateur·rices de terrain, plutôt que de manière unilatérale par les instances politiques. La Fédération insiste également sur le fait que la cumulation des années afin d’utiliser la totalité du plafond pour organiser le voyage au ski en sixième primaire à l’étranger ne serait pas bénéfique. En effet, dans cette configuration, les enfants n’auraient pas l’occasion de partir les autres années et de se dépayser tout au long de leur développement.
Rencontre avec le Cabinet Désir
Lors de cette rencontre avec les conseillers du Cabinet Désir, ils expliquent reconnaitre la plus-value pour les enfants qu’apportent les séjours dans les centres de la Coordination-CRH. La Ministre, elle-même, soutient l’organisation des séjours dans ces centres et remarque leur intérêt pédagogique.
Un point a été rappelé lors de cette rencontre par la fédération ; l’impossibilité de répondre au plafond fixé en maternelle. Le montant de 109,38 € pour tout le cycle n’est pas compatible avec les tarifs pratiqués dans les centres. Les conséquences sont une diminution des réservations et une diminution de la durée des séjours des écoles dans les centres.
Le choix n’a pas encore été fait concernant le plafond en primaire, la Ministre aimerait que ce soit d’application pour la rentrée 2024. La Coordination-CRH travaille donc selon les tarifs pratiqués sur le terrain et avec l’ensemble des fédérations en concertation avec le cabinet.
Une concertation globale
Les écoles elles-mêmes ne sont pas très informées sur les plafonds envisagés. Il est donc très difficile pour les professeur.es et directeur·rices d’école de prévoir un voyage sans craindre d’être pris en défaut. Une concertation entre les écoles, les centres de séjours et les associations de parents pourrait être une piste de solution pour garantir le bien-être et le dépaysement nécessaires à ceux pour qui c’est la seule occasion de s’ouvrir à d’autres univers. La décision politique qui va être prise doit prendre en compte les différents acteurs engagés dans ce changement, les centres de séjour, les écoles, les parents mais surtout les enfants et leur bien-être.